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Un monde qui mène ou souffre

Écrit le 20 septembre 2022


Les funérailles nationales de la reine Élisabeth II furent un événement monumental. Solennelles, respectueuses et chargées de symbolisme, une ode à mille ans d'histoire britannique. Pour les passionnés d'histoire, un moment unique : l'adieu à un monarque et à une vision du monde.

Les Britanniques ont une fois de plus démontré leur maîtrise des traditions. Tout, ce jour-là – les images, les sons et les rituels – évoquait la grandeur d'un empire qui régnait autrefois sur un quart du globe. Un hommage au passé, lorsque la Bretagne régnait sur les mers .


Même la motivation des partisans du Brexit semblait s'expliquer par ce sentiment. Mais pour beaucoup, en dehors du sentiment britannique – des Amérindiens aux Kenyans –, cela sonnait comme une complainte tragique. Un hymne funèbre pour un monde qui les avait réduits au silence pendant des siècles.


De la découverte à la soumission


  1. L’année où l’Europe a redécouvert le monde – et s’est recréée.

    Lorsque Colomb traversa l'océan, l'européanisation du monde commença. Ce qui s'ensuivit ne fut pas un échange d'idées, mais la destruction de civilisations entières.


En quelques générations, 90 % de la population originelle des Amériques disparut, principalement à cause des maladies, de la violence et de l'esclavage. Simultanément, la monoculture des plantations fut exportée des îles Canaries – un système qui força des millions d'Africains à migrer vers le Nouveau Monde.

L'Europe, auparavant défavorisée, est soudainement devenue le centre du système mondial. Les fruits du travail forcé et de la surexploitation coloniale ont conféré au continent un avantage qu'il n'a jamais retrouvé.


La modernité comme masque


Vers 1800, nous sommes entrés dans une nouvelle ère : la modernité. Porté par les révolutions américaine, française et industrielle, l’Occident a façonné son identité autour de la démocratie, des droits de l’homme et du progrès. Mais cette nouvelle boussole morale ne s’appliquait qu’à l’intérieur des frontières de l’Europe.

Dans les colonies, l'oppression, l'exploitation et la ségrégation régnaient. Le thé, produit emblématique de la Grande-Bretagne, était cueilli en Inde, transformé en Angleterre et revendu aux opprimés pour en tirer profit. Et tandis que le peuple britannique chantait « Les Britanniques ne seront jamais esclaves », leur empire fonctionnait selon le principe exactement inverse.


Dernier – des excuses


La modernité a légitimé la colonisation comme mission civilisatrice : le fardeau de l'homme blanc . Alors que les Portugais et les Hollandais se concentraient principalement sur le commerce, les Français présentaient le colonialisme comme un devoir. Les Britanniques se sont retrouvés pris entre deux feux, incarnés par des figures comme Cecil Rhodes. Sa vision de la domination mondiale – fondée sur la race, l'expansion et le paternalisme – semble d'une actualité effrayante.

Pour Rhodes, la colonisation était la voie vers la paix mondiale, la croissance démographique et la civilisation. Pour les peuples africains, elle signifiait esclavage, destruction culturelle et massacres.


La carte de l'Afrique : un gâteau sanglant


Lors de la conférence de Berlin de 1884, les puissances européennes divisèrent l'Afrique comme un gâteau sur une table de cuisine. Des milliers de personnes furent rassemblées dans quarante pays artificiellement formés, souvent aux frontières parfaitement droites, sans aucun rapport avec la réalité.

La course au prestige devint plus sanglante. Le roi Léopold II de Belgique fut autorisé à utiliser le Congo comme terrain de jeu personnel. Pendant ce temps, l'Italie et l'Allemagne se sentaient délaissées : elles étaient arrivées trop tard à la fête coloniale. Cette frustration allait, en partie, contribuer à l'essor des guerres mondiales.


L'autodestruction de l'Europe


La quête de l'Europe pour toujours plus – plus de territoire, plus de puissance, plus de ressources – a finalement causé sa perte. Les guerres mondiales nées de cette rivalité coloniale ont brisé le continent moralement et politiquement. Les jours de gloire étaient révolus. Le soleil se couchait sur l'empire sur lequel il ne s'était jamais couché.

Et ainsi prit fin l’ère du monde qui souffrait… ou était fait pour souffrir.

 
 
 

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